Pourquoi les youngtimers ont-ils le vent en poupe ?

C’est quoi un Youngtimer ?

Vous l’avez sûrement remarqué : depuis quelques années, les trails des années 80/90 ont le vent en poupe.
Communément appelés Youngtimers, on les croise de plus en plus sur les réseaux sociaux, lors d’événements ou de rassemblements. Certains modèles deviennent d’ailleurs difficiles à trouver, et les prix sur Leboncoin ne cessent de grimper.

Mono a donc enquêté pour essayer de comprendre : pourquoi sont-ils si populaires ?
On parlera ici uniquement des trails et modèles off-road des années 80/90, en laissant de côté les machines purement routières ou sportives.

Mais d’abord, c’est quoi un/une Youngtimer ?


Ce terme, utilisé initialement pour l’automobile, a migré vers le monde du deux-roues.
Dans un article du site Le Repaire des Motards, Philippe Guillaume les qualifie de :
« [...] machine de notre jeunesse, celle qui nous a mis le pied à l'étrier ou qui, justement, nous a fait tellement rêver et que l'on ne pouvait s'offrir à l'époque. Ces machines, qui ont entre vingt et quarante ans, on les appelle des Youngtimers, en contraste avec de simples occasions vieillissantes et des machines de collection plus anciennes et vénérables. »

L’enquête

On aime beaucoup cette définition, mais elle semble surtout s’adresser aux personnes nées avant les années 70 qui ont eu la chance de rouler sur ces machines quand ils avaient 20 ans.
Pour autant, de plus en plus de jeunes se tournent vers ces machines, même sans avoir connu leurs heures de gloire sur le Paris-Dakar.

Pour décrypter tout ça On a interrogé trois mecs qui s’y connaissent en bécane et qui sont nés dans les belles années. Ils nous ont donné leur point de vue sur le phénomène et les raisons de ce renouveau :

- Jonathan, du duo 52 Degrés Sud. Il a réalisé plusieurs aventures en Afrique, mettant à l'épreuve des Transalp sur des centaines de kilomètres de pistes.

- Pierre, de l’atelier Blump Moto. Il restaure et redonne vie aux trails des années 80/90, toutes marques, tous modèles : DR, XLM, XT, XLR et bien d’autres.

- Fabien, de V_brations. Co-fondateur de la Team Crampons. Il roule, roule et roule… tant que ça a deux roues et un moteur qui vibre.

Il était une fois…

En croisant les réponses de chacun, une histoire commune se dessine. La tendance aurait commencé autour de l’année 2020. Avant cela, les vieux trails étaient peu populaires, comme l’explique Jonathan :
« On était en plein boom des roadsters, et les vieux trails n’avaient absolument aucun intérêt. Les Ténéré, XLR, Transalp ou Africa Twin ne faisaient envie à personne. Ça valait 300 €, et beaucoup ont fini à la benne».

Des prix qui font rêver à l’heure actuelle. Comme pour le Bitcoin, il fallait investir quand personne n’y croyait. Fabien ajoute :
« Au moment où la mode néo-rétro a explosé. Après les cafés racers et scramblers, l’esthétique Dakar et les gros trails vintage ont suivi, largement relayés par les réseaux sociaux et quelques événements moto qui les ont remis sous les projecteurs ».

Si vous vous rappelez bien, 2020 concorde avec le début d’une épidémie mondiale qui a modifié de nombreuses choses dans le quotidien de chacun. Pendant le confinement, on a eu le temps de réfléchir, peut-être même jusqu’à l’introspection. Des envies de liberté et d’aventures ont probablement dû naître lors de cette année enfermée à la maison. Évidemment, ce sont des suppositions, mais il semble que le Covid-19 ait également pu jouer un rôle dans la popularisation des vieux trails.

Qui sont ces gens qui ont soif de liberté et d’aventures ?

Nos trois interrogés définissent majoritairement deux profils de motards qui affectionnent ces modèles :

  • Ceux nés avant les années 70. « D’un côté, les quadragénaires et quinquagénaires qui ont grandi avec les exploits du Dakar et qui réalisent aujourd’hui un rêve d’adolescent en rachetant ces motos », nous indique Fabien.

  • De l’autre côté, des plus jeunes, attirés par ces vieilles dames de 40 ans. Pierre nous explique :« La cible avant, sur des motos restaurées, j’avais que des retraités quasiment. Maintenant, c’est plus des jeunes vers les 40 ans je dirais. Pour les motos dans leur jus, on est plus entre 20 et 30 ans. » Fabien confirme : « Une génération plus jeune, trentenaire, qui cherche une alternative aux trails modernes trop aseptisés et qui se passionne pour le vintage. »

Fabien nous dévoile autre chose concernant les utilisateurs : « Enfin, il y a aussi deux sortes de consommateurs de ces motos, qui sont à la base des motos off-road : ceux qui, justement, les utilisent comme tel et qui n’hésitent pas à les salir/abîmer sur les chemins, et ceux qui, au contraire, ne possèdent ce genre de modèle que pour le look et l’esprit sans jamais les exploiter à 100 %. » Que ce soit pour sauter les trottoirs en ville ou traverser l’Europe par les pistes, on peut en conclure que les jeunes s’y intéressent de plus en plus.

C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures…

Des motos taillées pour l’aventure ? Oui, mais pas seulement. Il y a de nombreux arguments pour préférer un trail des années 80/90 plutôt qu’un moderne. Par exemple : « Des sensations plus authentiques, le plaisir de rouler sur une moto qui a une âme, et la fierté de redonner vie à une époque mythique. » évoqué par Jonathan.

Les vieilles motos, ça vibre, ça sent l’essence et ça tombe en panne. Elles n’ont en théorie pas grand-chose à envier au confort et à la puissance des modernes, mais dans cette faiblesse apparente, il y a une vérité brute : tout ce que tu en tires, tu l’as mérité. Jonathan nous parle de cette philosophie : « Le côté moderne est rassurant : on sait que la moto démarrera chaque matin et qu’on n’aura probablement aucune panne mécanique. Mais au fond, on sait aussi que les galères font partie du voyage… et qu’il y a une certaine fierté à accomplir un périple avec une vieille machine. C’est une histoire de philosophie. »

Oui, ça tombe en panne, mais ça se répare facilement (ou presque). Peu de carénages, peu d'électronique, pas de sondes, pas d’ABS, pas d’injection. Fabien ajoute : « Ces motos sont souvent plus légères que les maxi-trails actuels, elles se montrent accessibles en entretien. » Même sans être un as de la mécanique, on peut mettre les mains dedans sans risquer de tout foutre en l’air, et ça, c’est quand même bien pratique !

Une esthétique qui plaît

Ces motos ont un style, un look qui ne laisse pas indifférent. Le vintage revient à la mode depuis plusieurs années : fringues, meubles, vinyles, photo argentique. Les motos n’y font pas exception. Il n’y a qu’à voir les constructeurs qui sortent des modèles néo-rétro inspirés des esthétiques d’antan. Les jeunes se laissent séduire, comme nous l’indique Pierre : « Pour une partie, c’est par rapport au fait qu’elles sont A2, ça permet d’avoir une moto qui est différente avec une vraie gueule. Ça évite de rouler sur la moto de monsieur tout le monde. »

En effet, de nombreux trails des années 80/90 tournent autour des 600 cc et dépassent rarement 45 chevaux, ça offre de belles alternatives à la populaire MT-07 après l’obtention du permis.

Fabien mentionne un point important, le sentiment de communauté : « Le look marqué par l’esprit Dakar des années 80/90, et l’idée qu’on peut partir à l’aventure avec une machine qui a du caractère. Il y a une dimension communautaire, et au départ un aspect financier puisque ces motos étaient abordables (même si leur cote grimpe fortement). » Une communauté palpable quand on voit l’entraide et la solidarité que l’on peut trouver entre ces utilisateurs, notamment via les groupes Facebook ou sur les événements.

Et l’argent dans tout ça ?

Lors de la rédaction de l'article, j’ai été surpris qu’aucun des trois interrogés ne mentionne le faible coût d’achat de ces motos. Fabien est le seul qui l’évoque : « Au départ un aspect financier puisque ces motos étaient abordables (même si leur cote grimpe fortement). »

Il est possible que cet argument ne soit plus totalement valable lorsque l’on voit les cotes de certains modèles actuellement. L’époque évoquée par Jonathan des trails à moins de 500 € est bel et bien révolue.

Est-ce que ça va continuer ?

Pour ce qui est du futur, nos trois interrogés partagent le même avis : il y a de grandes chances que la tendance perdure. Et oui, comme nous le dit Jonathan : « Plus le temps passe, plus les motos intéressantes se raréfient », les prix risquent donc de rester élevés.

Pierre confirme que la demande ne faiblit pas : « Le marché n'a pas l’air de vouloir se calmer, je pense que les prix vont se stabiliser dans les fourchettes actuelles. Des gens en recherche tous les jours donc il n'y a pas de raison pour l’instant. »

Fabien conclut : « Je pense que les modèles mythiques vont garder une cote stable, sans toutefois non plus atteindre des sommets, car, même si on les adore, ça reste quand même de bonnes merguez. Ce sont des motos qui ont été beaucoup produites, et plutôt fiables donc il en reste encore pas mal sur le marché, ce qui, pour moi, sera un frein à une prise de valeur plus forte. Pour autant, j'ai l'impression que c'est un "mouvement" qui n'est pas près de s'essouffler, certains (et j'en fais partie) considérant que le rapport qualité/prix/plaisir en comparaison à des motos modernes est imbattable. »

Chez Mono, on partage également leur avis, mais bon, qui sait ? On en reparle en 2030 pour faire le point !

En résumé

Un trail des années 80/90, c’est du costaud, réparable à la maison, et qui donne envie de partir au bout du monde — même si c’est juste pour aller chercher le pain par les chemins. Leur popularité a d’abord séduit ceux qui rêvaient de revivre le Dakar de leur jeunesse, mais elle touche désormais une nouvelle génération de motards en quête d’authenticité et d’aventure brute.
Et bien qu’elles tombent en panne, sentent l’huile, l’essence et nous fassent galérer pendant des heures, elles sont un paradoxe : on les aime parce qu’elles ne nous facilitent rien.

Source : Philippe Guillaume - Que vérifier à l'achat d'un Youngtimer ? (2017) - Lerepairedesmotards.com

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