CH.4 - Projet 1VJ - Dans le cœur du sujet

Chapitre 4 : La tête dans le moteur

mécanicien n. m. /me.ka.ni.sjɛ̃/
1. Personne qui démonte des choses qui fonctionnaient pour les remonter en priant pour qu’elles fonctionnent encore.
Ex. : Put***, je suis vraiment pas un mécanicien, je vais jamais terminer cette fout** de moto.

Aujourd’hui, on vous embarque pour un voyage au cœur du moteur de cette bonne vieille merguez de 1980.

Aux commandes du navire pour cette épopée mécanique : Capitaine Duss, sans boussole mais avec une clé de 12 et une dose d’optimisme bien trop élevée. Accrochez bien vos ceintures, ça sent déjà l’huile brûlée et la douille foirée…

Enfourner 10 minutes Thermostat 7

Pour les dissipés du fond de la classe, petite piqûre de rappel : le haut moteur a été entièrement réalésé, la culasse re-surfacée chez Techni Moteurs, et j’ai déjà passé plusieurs journées à nettoyer chaque pièce au pinceau et à l’essence.

Avant de m’attaquer au cœur du problème, je commence par la base : vérifier chaque roulement. La plupart sont corrects… sauf le roulement de vilebrequin : fatigué, râpeux, bruyant. Je décide de le remplacer. Direction la presse de chez MotoTherapy (encore merci à JM, fournisseur officiel de matos et d’espoir). Une fois ce premier succès engrangé, les choses sérieuses commencent. Je fais la connaissance de ma boîte de vitesses. Enfin, « connaissance » est un grand mot : je l’observe, je la démonte, je fais semblant de comprendre comment elle marche. Armé de 2-3 tutos YouTube, je prends mon courage à deux mains et j’empile arbre primaire et secondaire, fourchette de sélection et barillet. Sur conseil d’Hervé, de chez Nut’s and Bolts, j’enfourne mon demi-carter à 100 degrés pendant 10 minutes, tandis que le vilebrequin et son roulement partent au congélateur. Une fois les deux emboîtés, il est l’heure de passer un cap dans cette rénovation : je referme les demi-carters avec une bonne dose de pâte à joint. Alea jacta est.

Rob vient enfin mettre les mains dans le cambouis

La suite du remontage concerne, à droite, les différents pignons, l’embrayage que j’ai refait à neuf, l'arbre de kick et son ressort, et à gauche le stator, son rotor et les pignons de démarreur. Mais le vrai combat ne se livre pas dans le moteur. Il se joue entre moi et les outils que je n’ai pas ; il faut donc rivaliser d’ingéniosité pour pouvoir serrer les écrous au couple. Je tiens à remercier également Gérard Favre (membre de Ténéré French Team) pour ses photos précieuses, ses conseils avisés et ses réponses rapides à mes messages un peu paniqués.

Nous sommes maintenant à la moitié du voyage : le bas moteur est remonté, les deux carters sont refermés, et pour le moment, seule la bielle dépasse du moteur en attendant de trouver piston à sa taille. C’est le moment que choisit mon acolyte Robin pour rejoindre l’aventure. Et son arrivée est une bénédiction puisqu'il me reste encore tout le haut moteur à remonter.

Haut moteur, Ô moteur

Au programme : remontage du piston, pose du cylindre et de la culasse, et calage de la distribution. On installe d’abord les segments dans le bon ordre, et on prend le temps de bien les tiercer, autrement dit de décaler les ouvertures pour éviter toute perte de compression. Une étape simple sur le papier, mais qui demande un peu de méthode et beaucoup de délicatesse. Le piston est ensuite emmanché sur la bielle, axe en place, clips bien vérifiés (deux fois même), et on descend doucement le cylindre par-dessus, en comprimant les segments au fur et à mesure. Le genre de moment où l’on retient un peu sa respiration jusqu’à ce que tout soit en place sans accroc. Une fois le cylindre bien monté, on s’attaque à la culasse et au remontage de la distribution.

À l’heure actuelle, la chaîne de distribution est remontée et l’arbre à cames est en place. Il nous restera le couvre-culasse à remonter, le tendeur de chaîne, et un petit jeu aux soupapes à faire. Ce moteur démarrera-t-il un jour ? Aucune certitude, mais il a été remonté avec amour et patience, et à chaque étape, on en apprend un peu plus sur ce monde qui nous passionne : la mécanique moto.

Je souhaite conclure cet article avec une citation tirée du livre Zen and the Art of Motorcycle Maintenance de Robert M. Pirsig, où il parle du Gumption, une énergie intérieure qui nous donne la volonté d’avancer, de continuer malgré les déconvenues :

“If you’re going to repair a motorcycle, an adequate supply of gumption is the first and most important tool. If you haven’t got that you might as well gather up all the other tools and put them away, because they won’t do you any good. Gumption is the psychic gasoline that keeps the whole thing going. If you haven’t got it there’s no way the motorcycle can possibly be fixed. But if you have got it and know how to keep it there’s absolutely no way in this whole world that motorcycle can keep from getting fixed. It’s bound to happen. Therefore the thing that must be monitored at all times and preserved before anything else is the gumption.”

Résumé :

  • Bas moteur remonté

  • Haut moteur partiellement remonté

  • Robin est enfin arrivé pour me prêter main forte

Le moteur n’a pas encore toussé un seul coup, mais dans mon garage, il a déjà repris vie. Chaque rondelle, chaque segment posé, c’est un pas de plus vers le redémarrage de cette 1VJ cabossée mais vaillante. Il reste du boulot, bien sûr. Mais comme le dit Pirsig, tant qu’il y a de la gumption, tout est possible.

À bientôt pour le chapitre 5, où l’on commencera le remontage de la partie cycle et du faisceau.

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